Lutte contre la fraude à la rénovation énergétique : le gouvernement infléchit sa position
Le passage au Conseil supérieur de l'énergie de deux projets d'arrêté laisse présager une position de l'Etat plus ouverte à un renforcement de la lutte contre la fraude, comme le montrent des documents auxquels nous avons eu accès.
Pierre Pichère
Mieux vaut tard que jamais. La position jusqu'à présent peu convaincante du gouvernement sur la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique semble évoluer doucement. Le projet d'arrêté sur les contrôles des opérations CEE est passé début juin devant le Conseil supérieur de l'énergie (CSE).
L'amendement EDF
EDF a déposé à cette occasion un amendement renforçant considérablement les exigences d'indépendances des bureaux de contrôle. Le texte d'origine présenté par le gouvernement, présenté suite à nos révélations sur l'ampleur des liens d'intérêt entre les bureaux de contrôle accrédités par le Cofrac et le monde des CEE et des travaux, prévoyait :
- une absence de lien capitalistique, direct ou indirect, de plus de 25 % entre l’organisme d’inspection et l’entreprise ayant réalisé les travaux ;
- Une absence de lien capitalistique direct de plus de 25 % entre l’organisme d’inspection et le demandeur de CEE.
L'amendement d'EDF prévoit :
- une absence de lien capitalistique, direct ou indirect, entre l’organisme d’inspection et l’entreprise ayant réalisé les travaux, et donc une disparition de ce seuil de 25 %;
- une absence de lien capitalistique direct ou indirect, entre l’organisme d’inspection et le demandeur de certificats d’économies d’énergie, l'ajout du terme indirect venant élargir considérablement le champ d'indépendance.
Le gouvernement n'a pas rejeté cet amendement, mais a émis un avis de sagesse. Le ministère a estimé intéressante l'approche d'EDF, nous indique un membre du CSE. L'amendement n'a pas été adopté par le CSE, mais l'amendement d'EDF n'est pas pour autant condamné à l'oubli.
UFE et GPCEE
L'Union française de l'électricité (UFE) a par ailleurs fait adopter un amendement ajoutant l'absence de lien capitalistique, direct ou indirect, de plus de 25 % entre le bureau d'étude et l'entreprise ayant réalisé des travaux. Cet amendement a aussi fait l'objet d'un avis de sagesse. Cet ajout encadrerait les dérives observées dans le domaine des études thermiques complaisantes, qui conduisent à une surévaluation des volumes de CEE, notamment dans le cadre de la fiche Bar TH-164.
Le Groupement des professionnels des CEE (GPCEE) a par ailleurs fait ajouter la mention du mandataire après celle du demandeur de CEE, une disposition utile pour régir un univers des mandataires CEE aujourd'hui très opaque.
Rénovation globale
Un autre arrêté est en cours de préparation, relatif à la rénovation globale, une source de fraudes majeures. Le gouvernement entend stopper au 1er juillet 2024 le dépôt de demandes de CEE liées à l'actuel dispositif, alors qu'un nouveau entre prochainement en vigueur, qui luttera davantage contre la fraude. en écrêtant très largement les aides. Le GPCEE a souhaité que la date limite de dépôt soit avancée, pour les opérations en maisons individuelles, au 1er janvier 2024, limitant ainsi le phénomène d'andidatage généralisé observé depuis plusieurs mois, tandis que la date du 1er juillet 2024 serait maintenue pour les rénovations globales en logement collectif. Cet amendement a été rejeté par le gouvernement, mais ce dernier s'est déclaré ouvert à avancer la date limite, et à ainsi mieux lutter contre la fraude.