Logement : ces petits marchés qui résistent à la crise
Certains territoires ont tenu bon face au retrait des clients particuliers en 2023. Promoteurs et collectivités livrent leurs recettes.
Cyril Peter avec Christiane Wanaverbecq, Léa Delpont et Jean-Philippe Defawe
\ 05h00
Cyril Peter avec Christiane Wanaverbecq, Léa Delpont et Jean-Philippe Defawe
Rapide hausse des taux de mi-2022 à mi-2023, durcissement des conditions d'obtention de crédits immobiliers, disparition du Pinel programmée pour fin 2024… La crise de la demande a bouleversé en 2023 les promoteurs de logements. Seulement 58 000 réservations par des particuliers ont été enregistrées, en baisse de 37 % sur un an et de 45 % par rapport à la moyenne décennale, selon Adéquation qui a établi un tour d'horizon de la promotion immobilière en 2023. « Tous les types de marchés sont concernés par ce recul [du nombre de réservations, NDLR], que ce soit la région Ile-de-France (- 22 %), les 11 grandes métropoles (- 34 %), les agglomérations dites moyennes (- 35 %) ou bien le reste du pays (- 46 %) », observe la société de conseil, qui note toutefois quelques exceptions. Le point commun de ces territoires qui ont résisté à la chute des ventes au détail ? Proches de la mer, ils sont éloignés de l'Ile-de-France et des métropoles régionales caractérisées, ces dernières années, par une surenchère sur le foncier qui s'est répercutée sur le prix payé par les ménages.
Le littoral varois, un marché stable où s'épanouit le haut de gamme
Les zones touristiques du Var font partie des marchés secondaires porteurs ou ayant montré une certaine résilience. Citons la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée, dont les principales villes sont Fréjus et Saint-Raphaël, ainsi que la communauté de communes du golfe de Saint-Tropez qui affichent « de longue date une remarquable stabilité » des ventes.
La première explication est structurelle. « Nos clients ont souvent un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne nationale, témoigne Fabien Piersanti, dirigeant éponyme du groupe immobilier spécialisé dans le haut de gamme. Ils n'ont soit aucune difficulté à accéder au crédit malgré la hausse des taux, soit pas besoin d'emprunter. » De Hyères à Saint-Tropez, le retour des acquéreurs étrangers qui paient cash conjugué au flux continu de retraités français en quête d'une villégiature ou d'une résidence secondaire ont permis au promoteur de se démarquer. « Notre rythme de ventes a été ralenti, concède Fabien Piersanti. Nous en réalisions quatre à cinq par mois en 2022 et avons divisé par deux ce volume en 2023. Mais nous ne sommes pas confrontés au scénario catastrophique que peuvent connaître les zones non touristiques du département. Certaines opérations sont bloquées car la clientèle est plus classique, composée de primo-accédants qui peinent à se financer. » Un autre monde comparé aux appartements proposés par l'entreprise familiale qui partent au minimum à 7 000 euros/m². Autre point fort de Piersanti : son taux de précommercialisation à atteindre avant de lancer le chantier avec l'appui des banques n'a pas baissé malgré la crise. « Il s'élève à 40 %. J'ai toujours produit du haut de gamme. On me fait confiance », assure le dirigeant.
Du Pays basque au bassin d'Arcachon, le neuf moins cher que l'ancien
Outre les quelques poches de résistance du littoral méditerranéen, la façade atlantique bénéficie d'un phénomène d'héliotropisme. Commençons par le Pays basque, où des manifestations contre la cherté des logements ont marqué l'année écoulée. Globalement, le volume des ventes s'est maintenu (+ 2 %) sur un an. L'activité a été « soutenue à près de 80 % » par les propriétaires occupants « malgré des prix en progression de 4 % », remarque la société de conseil. Elle met également en avant le bassin d'Arcachon qui « a manifestement profité de son aura : des réservations en progression de 4 % à la faveur d'une correction de prix de l'ordre de - 15 %. » La contribution des investisseurs, qui ont représenté 40 % des ventes, a aussi bien aidé.
L'avantage de ces deux zones ? « Les prix de l'immobilier neuf sont souvent moins chers que ceux de l'ancien », souligne Aurélien Marconi, président de Stoa Promotion. A contre- courant du marché, le promoteur régional table cette année sur 350 mises en chantier, contre 180 en 2023. « Nous avons la chance de continuer à vendre nos programmes malgré la crise, du fait de la pénurie de logements et de la qualité de vie de ces territoires, note le dirigeant. Ils attirent des cadres en télétravail ou en préparation de leurs vieux jours, et des jeunes retraités qui préfèrent une résidence collective à une maison difficile à entretenir. » Anne Robart, directrice de l'agence Cogedim Sud-Aquitaine Pays basque, décrit le sud des Landes comme « la zone de report du Pays basque » dont les habitants se tournent vers l'intérieur des terres, de Dax à Saint-Vincent-de-Tyrosse. Confirmation d'Adéquation : « De manière acyclique, la communauté de communes Maremne-Adour-Côte Sud a connu un pic d'activité, avec un fort renouvellement de l'offre et une demande qui a répondu présent (+ 40 % de mises en vente et + 38 % de ventes). »
A Lorient, l'entente élu-opérateur a porté des fruits
Enfin, « l'agglomération lorientaise a connu la même dynamique, mais par rapport à une année 2022 particulièrement basse », selon Adéquation. Vérification auprès de l'opérateur local Seemo : « La Ville de Lorient s'est mobilisée en engageant un dialogue constructif avec les promoteurs, se félicite Benoît Ruseff, fondateur. Nous avons aussi pu profiter d'une attractivité du territoire car les prix étaient bas et les taux de rentabilité élevés avec un Pinel breton qui nous a permis de mettre en chantier de belles opérations. » La nouvelle majorité élue en 2020 dit avoir changé la donne avant que la crise ne s'aggrave. « Nous sommes passés de 170 autorisations par an dans les années 2010 à une moyenne de 400 », calcule Michel Toulminet, adjoint au maire UDI de Lorient, délégué au logement. Les objectifs du PLH sont désormais de 417 logements par an.
Le ciel s'assombrit quand même avec la fin du Pinel
Malgré un timide retour des clients particuliers ces dernières semaines, d'autres indicateurs invitent à la prudence. Ce sera le maître-mot des professionnels en 2024. Dans le sud des Landes, qui a résisté en 2023, il sera dur de poursuivre le chemin de la croissance, en raison du retrait massif des particuliers investisseurs, et cela avant même la disparition du Pinel à la fin de l'année. « Ils ne représentent pas plus de 25 % des réservations », témoigne Anne Robart, directrice de l'agence Cogedim Sud-Aquitaine Pays basque. Même son de cloche à Lorient : « Le Pinel est au point mort car les investisseurs ont perdu 30 % de leur pouvoir d'achat », regrette Benoît Ruseff, dirigeant du promoteur Seemo. Lui aussi touché par un ralentissement du rythme des ventes, le promoteur varois Fabien Piersanti a « évidemment levé le pied sur les opérations » fléchées investisseurs locatifs.
Merci aux bailleurs sociaux. Autre mauvais point : « Les partenaires bancaires attendent jusqu'à 70 % de précommercialisations désormais, contre 40 % l'année dernière. Cela va compromettre des projets landais », alerte Anne Robart. Chez Stoa Promotion, la vente en bloc a permis de sécuriser ses huit lancements commerciaux prévus cette année dans le bassin d'Arcachon et au Pays basque. Merci aux bailleurs sociaux Domofrance, Erilia et 3F : « Ces partenaires nous permettent d'atteindre quasiment instantanément les niveaux de précommercialisation requis pour lancer les chantiers. Ils rassurent nos partenaires financiers qui en demandent toujours plus en ces temps de fortes turbulences », confie Aurélien Marconi, président de Stoa Promotion. Heureusement, « sur le bassin comme au Pays basque, 80 % des acquéreurs sont des propriétaires occupants », explique le dirigeant, qui se dit peu exposé à la disparition du Pinel.
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