La crise du logement fait bouger les métropoles

En attendant la loi sur la décentralisation de la politique du logement annoncée avant l’été, les métropoles n’hésitent pas à sortir le chéquier pour lutter contre le manque d’offres et la crise de la demande.

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La crise du logement fait bouger les métropoles
Dans la métropole de Rennes, 23 opérations résidentielles de promoteurs immobiliers ont été débloquées dans le cadre d’un « plan d’urgence » à 21M€.

« Plan d’urgence », « plan de soutien », « choc de l'offre »… Tour d’horizon des recettes mises en œuvre par les métropoles pour soutenir la construction de logements et répondre à une demande plus que jamais insatisfaite.

Montpellier : le « choc de l'offre » patine

Avant « le choc d’offres » promis en début d’année par Gabriel Attal, il y a eu « le choc de l'offre » de Michaël Delafosse, président socialiste de Montpellier Méditerranée Métropole. Bilan des courses depuis cette annonce de février 2022 : 85% des 8000 logements attendus ont été attribués aux promoteurs par l’aménageur public Altémed. Les premières livraisons sont prévues en 2025.

Premier problème : il y a du retard à l’allumage. L’objectif initial, avant que la crise de la demande bouleverse le marché, était de boucler la phase d’attributions en deux ans. Le deuxième : la moitié des 80 lots attribués ne sont pas pré-commercialisés. Autant d’opérations qui ne peuvent être lancées. « Un promoteur a droit à un ou deux mois de retard. Pas plus, sinon un autre prendra sa place. A un moment, il faut sortir les logements », insiste Michaël Delafosse.

Pour ces programmes dont le taux de pré-commercialisation peine à décoller et la marge est nulle voire négative, toutes les lignes du bilan de l’opération sont analysées par Altémed. « Tout le monde fait cet effort de transparence, de l’architecte au bureau d’études, en passant par le poseur de fenêtres », se félicite Cédric Grail, directeur général.

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Montpellier : l'aménageur Altémed veut accélérer les projets

Si le promoteur ne s’y retrouve pas économiquement, le lot est à réattribuer. Dans la plupart des cas, les prix de vente des logements, du foncier ou encore de la programmation sont finalement renégociés, en contrepartie de l’insertion d’une clause de retour à meilleure fortune, sur la base d’un rapport d’un commissaire aux comptes.

Concrètement, une marge de 5% est garantie par Altémed. Si celle-ci s’avère supérieure une fois l’opération construite et vendue, la moitié du surplus reviendra à l’aménageur pour financer des crèches, écoles et autres équipements publics dont auront besoin les futurs habitants. « Le partage de la valeur permet de gommer les sacrifices sur les charges foncières de la puissance publique, rappelle Cédric Grail. La crise de la demande ne nous a pas interdit de lancer les lots mais nous a interrogés sur la profondeur du marché et les prix. Au-delà de 6000€/m², ça ne vend pas. »

Globalement, les opérations proposent plus de logements locatifs intermédiaires (LLI) que prévu, car perçus comme plus accessibles que des logements libres. « Nous pensons qu’il y a un marché pour le LLI, qui peut être par ailleurs une antichambre de l’accession », commente Cédric Grail.

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Un « pacte » pour doubler la production de logements intermédiaires

Les problèmes de financement des ménages ont aussi incité la collectivité à miser sur le bail réel solidaire (BRS). En témoignent certaines dispositions de son plan d’urgence à 100M€, voté en juillet dernier, quand la crise de la demande s’aggravait sur fond de rapide remontée des taux. L’office foncier solidaire qui pilote la montée en puissance du BRS dispose désormais d’une enveloppe de 6M€ pour développer ces logements présentés comme abordables. Parmi les autres mesures figurent l’injection par le bailleur ACM Habitat de 30M€ en fonds propres pour produire 1000 logements par an à partir de 2025.

« Un acteur public ne peut pas attendre, contrairement à l’opérateur privé, moutonnier, qui laisse passer l’orage », souligne Cédric Grail. Ce dernier pilote un groupe public, fruit de la fusion du bailleur social, de l’énergéticien et de l’aménageur métropolitains. « Un outil de production totalement intégré », présente Michaël Delafosse. Séduit, Mathieu Klein, son homologue socialiste à la métropole du Grand Nancy, lui a récemment confié : « On va faire comme toi. »

Rennes : 23 opérations débloquées d’urgence

« Ce ne sont pas 300 logements comme annoncé en décembre, mais 328 logements libres invendus qui seront transformés en logements sociaux grâce à l’accompagnement de Rennes Métropole », se félicite Nathalie Appéré, présidente socialiste de la collectivité.

Une subvention de 3000€/m² a été versée aux organismes HLM pour qu’ils les achètent aux promoteurs immobiliers, dont les programmes ne trouvaient pas assez de preneurs auprès des clients particuliers, et ne pouvaient ainsi démarrer. « Notre mobilisation a consisté à permettre le lancement de ces travaux mais aussi à augmenter la part de logement social », résume Nathalie Appéré.

Au total, 23 opérations privées ont été débloquées dans le cadre de ce « plan d’urgence » à 21M€, dont 7M€ investis par l’Etat via le fonds national d’aide à la pierre. Cet effort financier ne permettra pas de renverser la tendance : au 1er janvier 2024, la métropole comptait 28 847 demandeurs d’un logement social, en hausse de 8,7% sur un an.

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Rennes : des logements sociaux bas en carbone et inclusifs

Outre cette « pierre anti-crise pour débloquer des opérations non commercialisées », la collectivité utilisera « tous les leviers disponibles : maîtrise des prix, attributions transparentes et scorées de logement social, politique de loyer unique, réhabilitation… » liste l’élue.

En complément des 1250 HLM que la métropole veut produire chaque année, le bail réel solidaire (BRS) constitue un autre outil pour faire à la crise de la demande. Sur ce point, l’action du gouvernement est saluée par la socialiste puisque « les plafonds de ressources des ménages éligibles ont été rehaussés », afin de toucher un plus large public.

« Acquérir les murs d’un logement sans en acquérir le sol permet à plusieurs générations de ménages de devenir propriétaires occupants de leur logement grâce à l’encadrement antispéculatif des prix de revente. Les ménages sont également plus solvables grâce à l’accès au prêt à taux zéro spécifique au BRS », explique-t-elle. L’objectif est de passer de 600 logements en BRS par an à 1 500 à terme.

L’ex-présidente de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) « revendique une réponse à la crise par le soutien public car la régulation du marché est gage d’économies : 90Mds€ de recettes pour 30Mds€ de dépenses par an. » Hors politique foncière et ressources humaines, la métropole investit 43M€ pour le logement, en plus des 8M€ de fonctionnement par le biais de soutien à des associations pour la protection des publics les plus fragiles.

Lyon : des enveloppes ciblées

Dans la métropole de Lyon, c’est un « plan d’urgence pour le logement et l’immobilier » qui a été adopté en décembre dernier. Une première enveloppe de 10M€ vise le déblocage de programmes privés à la peine pour in fine créer 3 000 logements, dont au moins 600 HLM déjà validés.

Sur les 102 opérations identifiées et remontées par les promoteurs, 49 ont reçu le soutien de ce plan : 29 programmes étaient complètement à l’arrêt avant leur acquisition en bloc et les 20 autres souffraient d’une commercialisation ralentie voire stoppée. Ces 49 programmes totalisaient 3 019 logements dont 849 ont été réorientés vers du logement social (286 PLS, 62 BRS, 483 LLI et 18 en PLUS/PLAI). Aujourd’hui, 43 opérations restent à l’étude, soit 2 361 logements bloqués dont 554 HLM.

Il y a urgence : la Préfecture du Rhône a prononcé en janvier dernier un constat de carence sur 21 communes et a repris la main sur l’instruction des permis de construire de sept communes ayant des résultats particulièrement bas.

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Lyon : des expérimentations pour faciliter l'accession

D’autres enveloppes métropolitaines visent à stimuler la construction. Citons les 50 M€ sur le mandat visant à soutenir les communes construisant des logements sociaux dans le financement des équipements municipaux. « Nous travaillons avec nos maires qui, pour des raisons compréhensibles, ont parfois des réticences à délivrer des permis de construire », explique Bruno Bernard, le président écologiste du Grand Lyon.

L’aide s’est élevée à 20M€ l’an dernier, contre 10M€ en 2022. « Il a été décidé de mobiliser plus rapidement l’enveloppe de financement, pour accélérer la réalisation des projets et accompagner la transformation du territoire », justifie-t-il. La métropole a ciblé 70 projets en 2023.

De Nantes à Toulouse, des millions pour la production HLM

Dans la métropole nantaise où le nombre de logements agréés est passé de 2614 en 2016 à 955 en 2023, le « plan de relance » lancé l’été dernier mobilise un budget de 20M€ sur trois ans à destination des bailleurs sociaux, dont 10M€ d’aides à la pierre pour débloquer les projets.

« Dans la métropole, le logement social était trop dépendant des promoteurs, avec 70% de la production réalisée en Vefa, explique Jérôme Baratier, directeur général délégué de la collectivité (à gauche) chargé de la fabrique de la ville écologique et solidaire. L’objectif de ce plan est que les bailleurs redeviennent maîtres de leur production. »

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Les bailleurs sociaux incités à se diversifier dans le logement intermédiaire

Du côté de Toulouse, les élus métropolitains ont voté en fin d’année dernière un plan de soutien au logement social et intermédiaire de 32M€ à dépenser d’ici fin 2026. Plusieurs objectifs sont annoncés par le président sans étiquette (ex-LR) Jean-Luc Moudenc : « permettre aux bailleurs sociaux d’être davantage réactifs vis-à-vis de la demande », « créer 7000 nouveaux logements par an, dont 2450 logements sociaux », ou encore « atteindre 35 % de logements sociaux dans la production ».

La demande HLM a augmenté de 70% en dix ans dans la métropole toulousaine, dont la croissance démographique moyenne s’élèvera à 1,1% entre 2009 et 2030 selon l’Insee.

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